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Après l’échec du Dossier Médical Partagé dont le développement a coûté près d’un milliard d’euros, l’Assurance maladie propose aujourd’hui un nouvel outil informatique appelé Mon Espace Santé. Si l’objectif d’un accès rapide aux données de santé individuelles importantes de chaque patient par les professionnels de santé a un intérêt certain, ce qui est proposé aujourd’hui pose différents problèmes.
Sur la forme, il faut noter le fait que l’inscription est automatique et que l’espace est créé sans le recueil du consentement préalable et explicite de l’assuré. Les tests effectués dans trois départements montrent que moins de 0,7 % des usagers se sont opposés à sa création mais seuls 4,8 % des personnes ayant un espace santé l’avaient utilisé. Donc comment savoir si les 95 % restants ont réellement souhaité en avoir un ? Au-delà de la question de l’utilité de ce dossier, on peut déjà affirmer que les modalités de sa création sont peu respectueuses de la liberté des personnes auxquelles il est censé simplifier la vie. Se passer du consentement au prétexte de l’intérêt des patients s’apparente à un contrôle social qui ne peut qu’engendrer une suspicion légitime des intéressés.
Il est certes possible de supprimer son compte, mais il faut être suffisamment informé et capable de naviguer dans un système informatique parfois complexe. Une fois créé, l’espace santé a pour but de donner l’accès aux informations aux personnels de santé, mais là aussi la question du consentement est traitée avec une grande légèreté car il suffit au soignant de cocher une case qui servira de preuve de l’accord du patient.
Pour preuve du caractère quasi automatique, il suffit de constater que l’attestation de vaccination Covid-19 est automatiquement inscrite dans le dossier. Si l’accès aux données en urgence paraît ce qui peut sembler le plus utile, nous ne savons pas quels contrôles techniques permettent de définir ce qui est une situation d’urgence et débloque l’accès aux documents. Il en va de même en ce qui concerne le médecin traitant qui a accès à l’ensemble des données contenues dans le dossier. Mais que se passe-t-il quand on souhaite changer de médecin traitant ? Qu’en est-il à l’hôpital où l’accès est partagé pour le service dans lequel on est hospitalisé : impossible de savoir qui y a vraiment accès. En fait ce système n’a pas été pensé pour que ce soit l’assuré qui maîtrise les données, comme pas exemple avec ce qu’on appelle le coffre-fort numérique qui permet d’avoir sur soi en permanence des documents utiles. Dans ce cas, c’est bien la personne elle-même qui décide ce qu’elle stocke et qui en maîtrise l’accès.
En ce qui concerne les données essentielles nécessaires en urgence, comme des allergies ou des traitements particuliers, elles pourraient être disponibles sur la carte Vitale. Enfin, il faut souligner que l’intérêt d’un dossier médical rapidement accessible est surtout utile pour les personnes atteintes d’affections chroniques, c’est-à-dire plutôt des personnes âgées, population dans laquelle ce qu’on appelle la fracture numérique est la plus importante.
Nous voyons bien qu’une fois de plus le gouvernement ne privilégie pas l’intérêt individuel des citoyens mais se préoccupe plus de la collecte de données dont les contrôles de leur utilisation ne semble pas satisfaisants pour éviter une utilisation malintentionnée.
Dr Christophe Prudhomme
Médecin urgentiste et militant CGT.
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