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Cette semaine s’ouvre le débat sur le budget de l’Etat. Appelé PLF, dans le jargon parlementaire, le projet de loi de finances fixe les recettes et les dépenses du pays pour l’année qui vient. Derrière les milliards, il est essentiel de ne pas laisser le débat budgétaire uniquement dans les mains des technicien·nes.
Vers un passage en force du gouvernement ?
Le budget de l’État n’est pas qu’un simple exercice technique ou comptable. Il reflète des orientations politiques qui touchent directement la vie des travailleur·euses et de leur famille. Chaque année, le PLF (projet de loi de finances), incarne les priorités du gouvernement et oriente les moyens alloués aux services publics et à l’avenir de notre modèle social.
La nomination de Michel Barnier laisse peu de doutes sur les orientations du nouveau gouvernement : il s’inscrit dans les pas de son prédécesseur. Il va même plus loin et s’apprête à réduire drastiquement les dépenses publiques de 60 milliards d’euros.
Le discours alarmiste sur la dette et le déficit ne sert qu’à justifier les politiques d’austérité.
L’austérité n’est pas une fatalité.
Ce discours de la peur peut être facilement déconstruit. Ce choix politique vise à protéger les intérêts des plus riches et des grandes entreprises et des marchés financiers tout en sacrifiant la réponse aux besoins fondamentaux de la population.
Avec un gouvernement dont la survie repose sur des négociations précaires avec le Rassemblement national, il est essentiel de se préparer à défendre nos exigences et nos propositions.
Les réductions d’impôts successives en faveur des plus riches et des grandes entreprises ont contribué à fragiliser les services publics, notre bien commun indispensable.
Les dépenses publiques ne sont pas un fardeau, elles sont le reflet de nos choix collectifs pour construire une société plus juste et solidaire. Depuis plusieurs années, les services publics sont asphyxiés par des réductions budgétaires qui privent les travailleur·ses et les usager·es des moyens nécessaires.
Pourtant, on le sait, réduire les dépenses publiques ne crée pas de richesses, au contraire, cela affaiblit notre modèle social et augmente les inégalités. Investir dans les services publics, c’est investir dans l’avenir en assurant une éducation de qualité, un accès aux soins, et en soutenant l’économie locale.
Payer des impôts, c’est participer à la construction du bien commun.
Les impôts contribuent également à compenser les inégalités de revenus. Les personnes aux revenus plus élevés paient une part plus importante, ce qui permet de financer des aides et des services pour les personnes les plus vulnérables.
La réforme fiscale est une urgence absolue
Depuis trop longtemps, les cadeaux fiscaux se multiplient au profit des plus riches, affaiblissant les finances publiques et creusant les inégalités.
Entre 2017 et 2024, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l’instauration de la flat tax et les réductions de l’impôt sur les sociétés ont coûté 76 milliards d’euros à l’État.
Les entreprises, au nom de la compétitivité, ont été particulièrement bien servies. Pourtant, non seulement le niveau de fiscalité n’est pas le principal déterminant de la compétitivité, mais les entreprises en ont bénéficié indépendamment de leur productivité.
Les aides publiques ont été accordées sans aucune contrepartie.
Au-delà de la suppression de la redevance audiovisuelle et de la taxe d’habitation, ce sont les ménages les plus aisés qui ont bénéficié le plus de la générosité du chef de l’État. Le niveau de vie des 0,1 % de Français·es les plus riches a augmenté de 2,1 % du fait de la suppression de l’ISF et de 3,8 % du fait de l’instauration de la flat tax.
Ce budget 2024 doit être l’occasion de rompre avec les politiques de l’offre éculées qui privilégient la compétitivité à tout prix
Cette politique de l’offre a pourtant montré ses limites, le montant de la dette publique est passé de 2 281 milliards d’euros en 2017 à 3 200 milliards en 2024.
La hausse de la dette publique française s’explique principalement par la politique de l’offre menée sous Emmanuel Macron caractérisée par des baisses d’impôts bénéficiant principalement aux entreprises et aux ménages aisés. Cette stratégie visait à stimuler la croissance économique, mais ses effets ont été limités. Les réductions d’impôts ont surtout diminué les recettes.
La CGT appelle à une véritable réorientation des dépenses publiques vers des investissements qui répondent aux besoins réels de la population :
- revalorisation des salaires,
- des conditions de travail,
- financement des secteurs essentiels comme la santé, l’éducation et la transition écologique.
Il est temps que l’État assume pleinement son rôle de garant du bien commun et cesse de céder aux pressions des marchés financiers et des lobbies.
Pour la CGT, le PLF doit être orienté vers une véritable justice sociale et fiscale. Il est essentiel que les recettes fiscales soient utilisées pour renforcer les services publics, améliorer les conditions de travail et lutter contre les inégalités, plutôt que de poursuivre les politiques qui ne profitent qu’à une minorité.
C’est pourquoi la CGT propose de remettre en avant l’impôt progressif, ou encore de revoir l’impôt sur les sociétés en incitant les entreprises à investir dans des choses concrètes comme :
- la création d’emplois,
- la formation professionnelle,
- les augmentations de salaires,
- la transition écologique,
- la recherche,
plutôt que d’encourager la distribution de dividendes. Les choix politiques du président de la République et du gouvernement ne profiteront qu’à une minorité, sans un mouvement social de plus grande ampleur.
Retrouvez ici, sous forme de questions/réponses, les principaux enjeux des débats(cliquez sur les flèches pour dérouler)
Pourquoi le budget de l’état n’est pas qu’une affaire de gros chiffres ?
De janvier à septembre, avec les administrations, les ministres préparent le budget de l’année suivante en tenant compte des prévisions de croissance.
Par exemple, si l’activité économique ralentit et que le chômage augmente, les recettes fiscales diminuent et les dépenses pour l’assurance-chômage augmentent. Ils élaborent ainsi le projet de loi de finances (PLF), débattu et voté chaque année à l’automne par les parlementaires.
Ce PLF fixe les ressources publiques et leur répartition selon les priorités du gouvernement. En projetant d’économiser 60 milliards d’euros en 2025, le gouvernement Barnier annonce des mesures d’austérité. Autant de moyens en moins pour les services publics, les mesures de solidarité ou les investissements publics notamment ceux nécessaires pour la transition écologique.
Les impôts sont-ils justes ?
Si certains foyers fiscaux français ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu faute de rémunérations assez élevées, tout le monde contribue aux recettes de l’État via le paiement de la TVA notamment, principale ressource du budget de l’Etat.
Prélevée à taux fixe quel que soit son niveau de vie, la TVA est une taxe injuste et inégalitaire. Elle pèse, en proportion, davantage sur les ménages les plus pauvres : le montant de la TVA payé par les 10 % les moins riches représente 12,5 % de leurs revenus tandis que le montant de TVA payé par les 10 % les plus riches représente moins de 5 % de leurs revenus.
Les impôts progressifs, comme l’impôt sur le revenu, font contribuer davantage ceux qui ont les moyens de le faire. Mais, plus on paie d’impôts, plus on cherche les moyens d’y échapper grâce à des moyens légaux (niches fiscales) ou en contournant volontairement la législation fiscale par des moyens légaux ou illégaux (Optimisation fiscale, fraude ou évasion fiscale).
Cela représente un manque à gagner de plus en plus important pour les recettes de l’Etat. 81,3 milliards d’euros, c’est le coût des niches fiscales pour les finances publiques en 2023 Sans compter les 60 à 80 milliards d’euros perdus par an en France, du fait de l’évasion fiscale.
Il y a-t-il trop de dépenses publiques ?
Chaque euro versé permet de financer des services publics essentiels : écoles, hôpitaux, infrastructures, sécurité, justice…
Ces services publics profitent à l’ensemble de la population, indépendamment des niveaux de revenu. Ainsi, l’État dépense 7757 euros par an pour chaque enfant scolarisé en élémentaire ou encore 63 810 € pour l’entretien d’un kilomètre de voie ferrée.
De plus, les impôts contribuent à compenser les inégalités de revenus. Ainsi, la redistribution élargie ( aides sociales et accès aux services publics) améliore le niveau de vie de 57 % de la population.
Les impôts financent également les investissements publics qui stimulent l’économie, créent des emplois, soutiennent l’innovation et pour répondre au changement climatique. Par exemple, les infrastructures financées par les impôts, comme les routes et les réseaux d’énergie, sont essentielles pour les entreprises et les particuliers.
A qui ont profité les baisses d’impôts ?
Les baisses d’impôts ont principalement profité aux ménages aisés et aux entreprises. Ce choix politique n’a pas d’impact de redistribution, pire encore, il a plombé les comptes de l’État.
La multiplication des réductions d’impôts depuis 2017 a grevé le budget de l’Etat de 76 milliards d’euros. Les entreprises, au nom de la compétitivité, ont été particulièrement bien servies. Au-delà de la suppression de la redevance audiovisuelle et de la taxe d’habitation, ce sont les ménages les plus aisés qui ont bénéficié le plus de la générosité du chef de l’État.
Le niveau de vie des 0,1 % de Français·es les plus riches a augmenté de 2,1 % du fait de la suppression de l’ISF et de 3,8 % du fait de l’instauration de la flat tax. L’allégement en milieu de barème de l’impôt sur le revenu a également permis une hausse du revenu disponible des 50 % des ménages les plus aisés.
Pourquoi les baisses d’impôts pénalisent les politiques publiques ?
Les baisses d’impôts réduisent les ressources de l’État, ce qui limite sa capacité à financer les services publics et les investissements mais aussi à réduire les inégalités.
Moins de recettes signifie moins de moyens et de personnel pour les hôpitaux, les écoles, la justice ou les transports.
Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation a entraîné une réduction de 53 milliards d’euros de recettes pour les collectivités locales. Cela a diminué leur autonomie financière et les contraints à faire des économies… sur les services rendus à la population.
Pourquoi les comptes publics sont-ils dans le rouge ?
Depuis 2017, la dette publique a augmenté de 1 000 milliards d’euros. Selon une étude des experts de l’OFCE, la crise Covid et la guerre en Ukraine expliqueraient environ la moitié de la progression de la dette publique de la France.
L’autre moitié est à trouver dans une analyse de la Cour des comptes sur la situation des comptes publiques : « la période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB ».
Les choix fiscaux des gouvernements Macron pèsent donc lourdement dans la balance. Pour combler l’écart entre les dépenses et les recettes engendrées par les cadeaux fiscaux, l’État emprunte sur les marchés financiers, alourdissant de fait, la dette publique. En 2023, la France a bouclé son budget avec un déficit de 154 milliards d’euros. L’Etat était le principal responsable de ce déficit, loin devant les collectivités locales (- 9,9 milliards). Quant à la Sécurité sociale, elle a affiché un excédent (+ 13,2 milliards).
Faut-il avoir peur de la dette publique ?
Plus de 3000 milliards de dollars… Le chiffre est vertigineux. Faut-il pour autant s’en inquiéter ? Il n’existe aucune norme économique objective qui fixerait un maximum soutenable d’endettement public.
Par contre, il faut s’intéresser à la charge de la dette (les intérêts des emprunts) rapportée au PIB. Et là encore, pas d’affolement. La charge des d’intérêts de la dette rapporté au PIB était de 1,8 % en 2023.
Même si elle a un peu augmenté, elle reste largement sous sa moyenne historique. Enfin, si plus de la moitié de la dette de la France était détenue à l’étranger en 2023, c’est plutôt une marque de confiance des marchés internationaux dans la dette française. Celle-ci reste l’un des placements financiers les plus sûrs au monde !
60 milliards d’économies prévues pour 2025, peut-on faire autrement ?
La réduction des dépenses publiques envisagée par le gouvernement risque de pénaliser les services publics et le système de sécurité sociale basé sur la solidarité. Pour contrer les mesures d’austérité, le CGT propose une réforme globale et cohérente de la fiscalité pour faire contribuer davantage ceux qui ont plus de moyens et en intégrant les enjeux environnementaux.
Par exemple, rendre l’impôt sur le revenu plus progressif dégagerait 12 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de l’État.
La création d’une taxe sur les superprofits des grandes entreprises engendrerait 8 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Conditionner les aides aux entreprises rapporterait 20 milliards dès l’année prochaine.
Renforcer les moyens et les effectifs contre la fraude fiscale permettrait de dégager 5 milliards d’euros la première année, 10 milliards l’année suivante pour atteindre 15 milliards d’euros à terme.
Enfin, certain·es expert·es proposent de réformer les niches fiscales ou d’investir dans la transition écologique pour générer de nouvelles sources de recettes… Autant de pistes à débattre plutôt que d’imposer des coupes sombres dans les dépenses publiques.
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