Depuis quelques mois, le prix des énergies flambe.

TEMPS DE LECTURE : 5 MIN.

Cette augmentation a des répercussions sur les vies des particuliers, mais aussi sur celles des
entreprises.

Sans accès à l’énergie, l’économie ne tourne pas


De quoi susciter de réelles inquiétudes industrielles et sociales.
La guerre n’est pas la seule responsable
SI la guerre en Ukraine a accentué la crise énergétique, avec l’arrêt de l’approvisionnement de
gaz russe, elle n’a pas pour autant créé cette situation.
Avant la guerre, les prix de l’énergie étaient déjà structurellement à la hausse du fait de la
transition énergétique (intégration du prix du CO2, évolution du mix), du rôle pivot du gaz, de
l’envolée du dollar.L’accès à l’énergie conditionne la souveraineté et la puissance des nations. Sans gaz russe, il faut trouver des énergies de substitution.
Mais la guerre a bon dos : lorsque les Etats-Unis font en sorte que le projet Nord Stream 2
(gazoduc géant reliant la Russie à l’Allemagne) soit abandonné, ils jouent aussi en faveur de leurs
intérêts économiques et politiques. Ils se sont toujours opposés à la construction du gazoduc qui
matérialisait un échange commercial direct entre la Russie et l’Allemagne, ne supportant pas que
l’Allemagne dépende énergétiquement de la Russie.
Pour l’Allemagne, premier consommateur de gaz en Europe, le nouveau gazoduc représente un
enjeu d’autant plus important qu’Angela Merkel a entériné la sortie du nucléaire à la fin 2022 et
celle du charbon en 2038.
Les gazoducs constituent des enjeux politiques et ont la particularité de créer une dépendance mutuelle entre les pays qu’ils relient.
La crise énergétique redessine le paysage géopolitique
En réorganisant le système énergétique mondial en fonction de lignes de fractures géopolitiques
(Europe / Etats-Unis et Russie/ Chine), la crise énergétique constitue un tournant géopolitique.
Les USA vendent à l’Europe leur gaz naturel liquéfié (GNL) passant ainsi du statut d’importateur à
celui d’exportateur, pendant que l’Europe passe d’une dépendance au gaz russe à une
dépendance au GNL américain.
Mais le GNL, qui s’annonce comme la solution de substitution au gaz russe, n’est pas sans
conséquences. Issu de la fracture hydraulique (interdite en France), il est très polluant et son
impact environnemental est deux fois plus important que celui du gaz. Transporté par bateaux il
modifie l’équilibre du marché de l’énergie.
Les USA vendent leur GNL au plus offrant en contrat court ; les méthaniers peuvent désormais
changer de route si un client propose un meilleur prix offert. Un comportement impossible avec
le gaz conventionnel livré par gazoduc et faisant l’objet de contrat à long terme entre deux pays.
Comme partout, la loi de l’offre et de la demande fait monter les prix, et l’insécurité énergétique s’installe en Europe.
Le marché européen favorise la crise énergétique
L’Europe défend vaille que vaille le marché et son corollaire, l’idée que la concurrence est
bénéfique pour tous les pays. Une affirmation combattue par la CGT.
Depuis l’ouverture à la concurrence, la centrale alerte sur le fait que l’énergie est un bien indispensable, qui ne doit pas subir la loi du marché, celle-ci conduisant inéluctablement à l’augmentation des prix et au risque de blackout.
La situation actuelle montre à quel point cet avertissement était prémonitoire. Avant l’ouverture à
la concurrence, la production d’électricité était calculée en fonction des besoins. La loi du marché
a inversé la donne : les pays doivent désormais adapter leurs besoins à la production disponible
sur le marché.
La Communauté européenne a supprimé les tarifs réglementés (sauf pour l’électricité et
uniquement pour les particuliers). Les prix, déréglementés, sont calculés en fonction de la
dernière centrale appelée pour équilibrer la production au niveau européen.
Or la dernière centrale appelée est une centrale gaz : l’augmentation du prix du gaz se répercute immédiatement sur celui de l’électricité.
La prédominance du marché sur les besoins doit cesser ! En Europe, l’énergie doit redevenir un
service public ; chaque pays doit pouvoir définir sa propre politique énergétique.

Edf, victime de l’Europe et du marché
En France, la loi NOME, votée en partie pour satisfaire aux exigences de l’Europe, oblige EDF à
vendre ¼ de sa production nucléaire à ses concurrents, au tarif ARENH (accès régulé à l’électricité
nucléaire historique), soit 46,5 €/MWh (en septembre 2022).
Ce tarif réglementé favorise la spéculation : les concurrents d’EDF achètent via l’ARENH quand
les prix sont hauts puis revendent au prix du marché, empochant ainsi des bénéfices importants ;
ils achètent au prix du marché quand celui-ci est bas. En 2023, le prix dépassera 1 000 € le MWh.
Une situation intenable pour EDF, dépouillée par l’Etat et les actionnaires des dividendes
nécessaires pour maintenir le parc de production en état, pour construire la filière énergies
renouvelables, pour investir dans de nouveaux moyens de production.
Étranglée par la loi du profit, l’entreprise est fragilisée économiquement et socialement….
Que l’Etat reprenne le contrôle de l’entreprise à 100 % est une bonne chose, mais est-ce pour
consolider ou au contraire pour affaiblir le groupe, en scindant ses activités, en nationalisant
certaines et en privatisant d’autres ?
Il est encore temps de réparer le gâchis monumental de la privatisation d’EDF, de l’ouverture à la
concurrence et de la prédominance du marché et de la spéculation sur les besoins.
Il est temps de sortir du marché européen de l’énergie.
Il est temps de remettre en place des contrats à long terme au niveau des entreprises. Il est temps
de penser les politiques énergétiques sur le long terme, en accord avec les enjeux
environnementaux et climatiques, notamment en construisant des nouveaux moyens de
production pour pouvoir en fermer d’autres.
C’est maintenant qu’il faut cesser la politique du stop and go et définir une politique industrielle à long terme.



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