La retraite pour les nuls

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Alors que les jours précédents le débat faisait rage jusque dans les rangs de la majorité sur la méthode de la réforme des retraites, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a sorti ses PowerPoint devant les syndicats et le patronat le 19 septembre afin d’en expliquer l’urgence et l’impérieuse nécessité. Surréaliste ! Alors même que tous les acteurs sociaux avaient sous les yeux les projections du Conseil d’orientation des retraites qui disent justement qu’il n’y a pas péril financier, Olivier Dussopt s’appuie sur un déficit estimé de 12 à 20 milliards d’euros à l’horizon 2032 pour affirmer que « nous devons travailler plus (…) à l’échelle de nos vies ». Cela alors même que tous les scénarios du Conseil tablent un retour à l’équilibre au milieu des années 2030, sans qu’il soit besoin de toucher aux paramètres actuels.

La Macronie est donc vraiment coincée, mais pas encore défaite sur le sujet. La mobilisation de l’hiver 2019 a contraint Emmanuel Macron à renoncer à sa réforme systémique, mais désormais il cherche à passer par un trou de souris pour imposer une réforme paramétrique. Et ses fidèles se transforment en maîtres d’école ou en prophètes de malheur pour nous expliquer qu’il va falloir travailler plus longtemps. « Le ministre nous dit que les déficits à venir vont être terrifiants », a ainsi résumé le secrétaire général de la CGC.

« J’ai baptisé cette réunion : « La retraite pour les nuls » » a réagi Catherine Perret, secrétaire de la CGT au sortir de Grenelle, tandis que FO taxait le ministre de « professeur des écoles ». Le ministre a donc agacé ses interlocuteurs, d’autant qu’il a pris bien soin de ne présenter aucun calendrier, ni précisé comment le chef de l’État comptait imposer la réforme, via le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le projet de loi de finances du budget de l’État, ou via une loi propre. Tout au plus, il a annoncé que le processus doit être achevé en mars pour application à l’été 2023.

Dans de telles conditions, alors même que le patronat et une partie de la majorité alertent sur l’incandescence du dossier, craignant un conflit social majeur, la capacité des syndicats à construire une riposte puissante et surtout unitaire sera déterminante. Sur ce point, la secrétaire de la CGT a prévenu : « déjà, les organisations syndicales ont annoncé un conflit majeur si le gouvernement passe en force ». Et la journée nationale interprofessionnelle du 29 septembre devrait être une première étape dans la construction d’un mouvement plus large.

Dans un contexte de chômage massif et de précarité galopante, alors même que les seniors sont massivement hors des entreprises lorsqu’ils liquident leur retraite, prétendre allonger la durée de la carrière est une ineptie sociale.

Cette réforme est donc purement idéologique. Elle a pour but de briser définitivement la confiance des générations futures de travailleuses et travailleurs dans le système solidaire par répartition devenu incapable de servir des pensions décentes. Les générations prochaines devraient s’assurer par capitalisation, cotiser à des fonds de pension ou des compléments de retraite pour caresser l’illusion d’une retraite décente. Et ils y seront incités par des dispositifs fiscaux déjà en place.

À défaut d’avoir pu inscrire cette réforme à son tableau de chasse, Emmanuel Macron veut en faire le legs à son successeur et aussi faire ce cadeau au Medef et à la finance.

Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT

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